Salle des fêtes de Andres
M,M
Lorsque madame Guillemant m’a annoncé que je devais être maître de cérémonie, pour la remise de la médaille du mérite, je me suis dit :
« Il faut que je mette tout ça sur un papier, noir sur blanc, sinon, je vais encore déraper… Et il y a des jours où, on ne peut pas déraper. »
C’est vrai ! Il me faut avouer que, venant souvent à Andres et y prenant souvent la parole, j’ai ici, plus qu’ailleurs, une fâcheuse tendance, en improvisant, à être un peu trop taquin, voire à laisser transparaître ma formation de carabin et l’esprit un peu grivois que j’en ai, malicieusement, gardé.
Mais si je suis comme cela, spécialement à Andres, ce n’est pas par manque de respect vis-à-vis de madame le maire… Non, c’est simplement parce que, dans la vie, certains événements ou certaines situations peuvent créer des liens entre les personnes.
Et figurez-vous que madame Guillemant a été directrice d’école à Guînes, alors que j’en étais déjà le maire. Cela crée des liens… D’ailleurs, beaucoup de gens s’accordent à dire que rien que pour cela, rien que pour avoir travaillé avec Madame Guillemant, c’est moi qui aurais dû avoir la médaille du mérite. S’il en fallait une preuve, elle est évidente : la présence de madame Guillemant à Guînes correspond exactement avec l’arrivée de mes premiers cheveux blancs…
Dans un premier temps, j’avais pensé philosopher sur le sens de la décoration, sur la notion de mérite, sur le besoin qu’a notre société d’honorer certaines personnes… Mais mon intervention aurait été beaucoup trop longue et je n’ai pas la légitimité pour pouvoir émettre une opinion sur un tel sujet. Mais, très sincèrement, certains m’ont posé la question : « Pourquoi a-t-on pensé à Madame Guillemant, pour cet honneur ? ». Me trouvant un peu sec sur la réponse mais étant un adepte des romans policiers, j’ai donc décidé de jouer à Hercule Poirot et de mener mon enquête. Je vous en livre les conclusions :
1) Je suspecte Madame Guillemant d’être une femme… Disposition innée, dont elle n’est pas responsable, qui est, sans doute pour recevoir une décoration, un facteur favorisant mais n’est pas une condition suffisante ;
2) J’ai découvert que Madame Guillemant était une élue, maire de sa commune…. Etat pathologique, pouvant s’apparenter à du masochisme, qui est, sans doute, pour recevoir une décoration, un facteur favorisant mais n’est pas une condition suffisante.
3) J’ai appris, à mes dépends, que Madame Guillemant avait exercé la coupable profession d’enseignante, en particulier dans des quartiers que l’on dit difficiles et dans des ZEP. Là aussi, facteur favorisant pour une décoration mais ce n’est pas une condition suffisante.
4) On m’a raconté, enfin, qu’en plus de tout cela, elle osait s’investir moralement, physiquement et financièrement, dans l’aide à des pays d’Afrique, le Bénin et bientôt, le Mali… Là aussi, c’est très bien mais ce n’est pas suffisant.
Vous voyez que mes investigations m’avaient amené à un faisceau d’arguments qui me faisait entrevoir une réponse valable…
Alors, maintenant, quand quelqu’un me pose la question : « Pourquoi Madame Guillemant va-t-elle être décorée ? », je réponds simplement : « Parce que c’est Rose-Marie :
- Rose-Marie, avec ses qualités et ses défauts, mais dévouée, volontariste et toujours en mouvement…
- Rose-Marie avec cet amour immense et irraisonné qu’elle a pour les enfants et pour tout ce qui touche à l’enfance…
- Rose-Marie qui est entière et qui, comme tous les gens entiers, a l’audace de transformer les bons sentiments en beaux gestes…
- Rose-Marie, enfin, qui sait assumer pleinement les responsabilités inhérentes à sa fonction comme elle l’a fait durant toute sa carrière d’enseignante.
Voilà pourquoi Madame Guillemant est, aujourd’hui, honorée: Parce que c’est Rose-Marie et que des Rose-Marie, nous n’en avons pas 2 sur notre territoire… Je connais certaines mauvaises langues, dans cette assistance, capables de dire : « Il n’y en a pas 2…. Heureusement pour nous ! »
Et si je devais lui trouver un mérite supplémentaire, c’est bien celui de supporter, stoïquement, un drôle de conseiller général et cela depuis plusieurs années.
Mesdames et Messieurs.
- Ce soir, la commune de Andres est très fière de son maire ;
- Ce soir, la CCTP est venue faire la fête ;
- Ce soir, ses amis enseignants, cultureux ou simples citoyens sont venus l’embrasser ;
- Ce soir, là-bas au Bénin, le son des djambes va, sans doute, remplir la place du village et les femmes vont danser car elles savent que Rose-Marie, leur copine française, va être honorée ;
- Et je sais que Dimanche, il y aura bien quelques potaches repentis qui diront, après avoir lu le journal : « Tiens, mon ancienne maîtresse a été décorée… C’est vrai… Avec moi, elle a eu bien du mérite. »
Merci à vous tous.
/ Hervé Poher