Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Il y a 7 ans, presque jour pour jour, dans cette même salle, nous étions réunis pour la création de la Communauté de Communes des Trois-Pays.
Pour nous tous, c'était une nouvelle démarche, voire une nouvelle aventure : apprendre à se connaître, à travailler ensemble, à imaginer ensemble.
Que de chemin parcouru dans la définition d'une dynamique collective !
Que de progrès effectués dans la notion de travail en commun.
Que d'amitiés nouées entre des gens qui étaient voisins mais qui, bien souvent ne se connaissaient même pas.
7 ans, c'est à la fois peu et c'est beaucoup.
Þ c'est peu dans la vie d'une collectivité
Þ mais c'est beaucoup quand on se rappelle l'ensemble des décisions que nous avons prises, l'audace de certaines de nos orientations et l'aspect novateur de quelques dossiers.
Je pourrais, aujourd'hui, simplement faire le bilan de nos politiques, la liste de nos réalisations et vous éclairer sur les projets en gestation.
Mais vous vous en doutez, cette énumération ressemblerait à une litanie ou à un exercice d'autosatisfaction collective.
Aussi, permettez-moi d'axer mon discours plus sur la motivation que sur le résultat, plus sur la philosophie que sur les décisions.
Depuis quelques années, on ne parle que de mondialisation, de libéralisation voire de libéralisme, de responsabilisation individuelle. Qu'on soit pour ou contre ces orientations, nous devons nous y adapter.
Et certains, inscrits pleinement dans cette démarche, voulant dénoncer certains freins à cette évolution, voire une certaine inertie, critiquent violemment le "service public".
Je pense, sincèrement, qu'ils font une double erreur :
Þ erreur de terminologie, d'abord, parce qu'en critiquant et en voulant réformer la fonction publique, ils attaquent la notion de service public.
Þ erreur, ensuite, d'appréciation car quelque soit notre niveau électif, nous, les élus, nous faisons quotidiennement du service public. Nous sommes tous des Monsieur Jourdain : "nous le faisons, bien souvent, sans nous en rendre compte".
En effet, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, c'est quoi un service public ? C'est une politique, c'est des décisions, c'est des réalisations qui n'ont pour seule motivation que de rendre service au public, sans notion de bénéfice, sans notion de rentabilité.
Et c'est normal ! Car si on se base uniquement sur la gestion comptable d'un service à la population, on ne fait plus rien ou on casse tout ce qui existe.
C'est vrai que c'est formidable quand un service est financièrement équilibré, voire excédentaire. Mais ce n'est pas la finalité de notre action, ce n'est pas le but de notre dynamique.
Et ça, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous le faisons tous les jours.
Laissez-moi prendre quelques exemples tirés de la vie de notre Communauté de Communes.
1. Quand nous faisons une Maison de l'Enfant à Guînes, quand nous bâtissons une maison du bien-être à Hardinghen, avec sa halte-garderie, son RAM, avec sa ludothèque et avec son cyberpoint, nous savons pertinemment que ce service sera déficitaire parce que c'est beaucoup d'emplois, parce que c'est beaucoup de frais de fonctionnement et parce que c'est peu de rentrées financières.
Ces investissements nous les faisons, non pas pour qu'ils nous rapportent, mais parce que nous savons que c'est un service au public.
Et nous les avons voté à l'unanimité, sachant, dès le départ, que nous devrions équilibrer le budget avec des subventions, certes, mais aussi avec les impôts que nous réclamons à nos habitants.
Personne ne peut dire, aujourd'hui, que ce n'est pas utile… et c'est un service public.
2. Quand nous avons mis en place, ce service original de transport à la demande, le taxi vert, qui permet à chaque habitant des Trois-Pays, en appelant un numéro unique, de circuler sur tout notre territoire pour la somme modique de 2.00€, nous savions pertinemment que cela nous coûterait de l'argent, puisque la Communauté de Communes des Trois-Pays paye le différentiel de la course. Et nous l'avons fait, parce que nous, élus de terrain, connaissons parfaitement les handicaps de notre territoire.
Personne ne peut dire aujourd'hui que ce n'est pas une idée intéressante…et c'est un service public.
3. Personne ne nous obligeait à être si volontariste dans la mise en place de l'Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat ! Personne ne nous a obligé à majorer les primes de l'ANAH ! Personne ne nous a obligé à inventer l'opération "Les 3 Pays en couleur !"
Tout cela nous coûte cher, mais nous savions que c'était le moyen d'aider nos concitoyens et d'améliorer notre environnement.
Personne ne peut dire que ce n'était pas un pari ambitieux et tout le monde sait que ce sera une réussite exemplaire… et c'est un service public.
4. Quand nous nous lançons dans l'opération "ARARAT", en plantant des haies, en installant de bandes enherbées, en recréant des mares, tout cela pour limiter le ruissellement des eaux et l'érosion des sols, nous savons tous que cette démarche coûtera cher en fonctionnement parce qu'il faudra entretenir les plantations, parce qu'il faudra louer des terres aux agriculteurs.
Que faisons-nous si ce n'est pas rendre service à notre population ? Ce n'est pas un service au public ?
5. Et quand, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous décidons à l'unanimité de prendre la compétence culture… tout le monde sait que la culture, c'est déficitaire.
Mais parce que nous sommes des ruraux, nous n'aurions pas le droit d'apprendre la musique, d'accéder à l'art ou d'assister à des spectacles ? L'accès à la culture est un droit et nous l'avons affirmé, tout en sachant que cela coûterait cher… et en créant l'Ecole de Musique Intercommunale, nous avons mis en place un service public.
Je pourrais continuer, ainsi longuement, de parler de réalisations passées et de projets à venir, comme le Centre Intercommunal d'Action Sociales, idée originale qui n'existe pas encore dans notre région.
Ce que je veux vous rappeler, mes chers amis, c'est que nous élus, quelques soient nos opinions, quelques soient nos objectifs, quelques soient nos pôles d'intérêt, nous sommes tous comme Monsieur Jourdain "nous faisons quotidiennement du service public".
Aussi, quand j'entends un élu vilipender, à mauvais escient, le service public, je lui réponds : "ne critiquez pas ce que vous faites vous-même et de façon journalière".
Et quand un habitant proteste, parce qu'il paye des impôts, je lui demande : "dans votre entourage, personne n'utilise le taxi vert ? Personne ne suit des cours de musique ? Personne n'est inondé régulièrement ?". C'est à cela que servent vos impôts.
Cette notion, trop souvent décriée, de service public est pourtant un moteur essentiel de l'action publique : parce qu'il est basé sur cette notion primordiale qu'on appelle solidarité collective et qu'il n'est pas parasité par l'idée de rentabilité ou de bénéfice.
Loin de moi l'intention de critiquer les gens qui gagnent de l'argent ! Loin de moi, l'idée de jeter aux lions, les sociétés qui font du bénéfice. Non ! Je veux simplement rappeler que l'économie de marché, c'est fait par des sociétés et des hommes d'affaires, alors que le service public, c'est décidé par des collectivités et des élus. C'est deux métiers différents !
Je tenais à remettre en avant cette notion essentielle :
parce que les habitants ont trop souvent tendance à oublier ce que la collectivité fait pour eux
et parce que nous, nous sommes élus, volontaristes et responsables, et que si nous voulons conforter une telle démarche, il faut, aussi, avoir le courage de s'en donner les moyens. J'espère que nos amis de la Communauté de Communes des Trois-Pays entendent le message.
Je pourrais en terminer là, en vous parlant de nos futures réalisations, de nos projets, du Pays du Calaisis… Mais permettez que je termine par un sujet, qui me tient fort à cœur… depuis peu, je dois vous l'avouer.
Il y a dans la vie d'une collectivité ou dans la vie d'un être humain des moments forts ou des événements qui modifient totalement votre façon de penser, votre façon d'appréhender les situations, bref votre façon d'être.
Après ce moment fort, vous n'êtes plus pareil qu'avant.
C'est ce qui s'est passé pour quelques uns d'entre nous, techniciens et élus de la Communauté de Communes des Trois-Pays.
Après quatre ans de coopération, après deux ans de promesse et de préparation, une délégation de notre collectivité s'est rendue au Mali, dans la commune de Maréna-Diombougou.
Nous sommes partis, là-bas, la tête pleine de curiosité ; nous sommes revenus le cœur plein de tendresse. Nous y avons vu le dénuement et la pauvreté. Mais nous y avons trouvé la gentillesse et le sourire.
"Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous ne pouvons pas ne pas les aider!". Et si je dis cela, mes chers amis, ce n'est pas pour nous donner bonne conscience… c'est simplement parce que nous avons été émerveillés par la joie de ce directeur de l'école tout heureux de nous montrer les feuilles de marronniers envoyés par l'école de Campagne-les-Guînes.
Þ Nous avons été émus de voir l'affection et la communion qui unissaient Eric SCHOLLAERT et le Directeur de l'Ecole de Sabouciré. Ils correspondaient depuis 4 ans… ils ne s'étaient jamais vus… et ils ont un idéal commun : l'enfant.
Þ Nous avons été ébranlés par ce geste simple que font tous les habitants : ils vous tendent la main. Et quand ils vous tendent la main, ce n'est pas pour quémander ; c'est pour vous toucher, vous saluer ou vous offrir un cadeau et ils vous offrent la chemise qu'ils n'ont pas.
Tout ce qu'ils demandent en retour, c'est un peu d'attention, un peu de considération et beaucoup d'amitié.
Mais permettez-moi que j'ajoute à cette image imprégnée d'émotions, une connotation politique.
Le Mali est une démocratie laïque. Et nous avons vu, dans ce pays musulman à 95 %, ces hommes, dont notre ami le député Moussa Cissé, défendre la démocratie, la laïcité et l'enseignement du français ; nous avons vu des jeunes filles défendre publiquement et sous les ovations de la foule, l'égalité de l'homme et de la femme… dans un pays peuplé de musulmans.
La nature a horreur du vide… La politique aussi. Si nous, occidentaux, n'aidons pas les maliens à fortifier cette démocratie laïque, d'autres viendront à notre place sereinement, insidieusement.… et ces barbus-là n'ont pas les mêmes valeurs que nous, et je ne suis pas sûr que leurs valeurs soient les bonnes.
Alors, aidons-les à notre petit niveau ; ajoutons une petite pierre dans la construction de ce pays, qui est, je vous le rappelle l'un des plus pauvres au monde. Pour défendre ces valeurs qui nous sont si chères, nous devons, nous, là-bas être des militants.
C'est le message que m'a chargé de vous transmettre Moussa Cissé, député de la province de Kayes.
La Communauté de Communes des Trois-Pays et la Commune de Maréna sont désormais amies. Donnons-leur notre expérience, nos idées, notre mobilisation.
Eux nous le rendront en gentillesse, en sourire et en amitié.
C'est peut-être du troc, mais dans ce troc, nous, nous serons les grands gagnants.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Certains d'entre vous sont, peut-être, déçus de mon discours… parce qu'ils attendaient quelque chose de plus musclé !! C'est vrai, qu'aujourd'hui mes propos étaient imprégnés de convictions, de militantisme et d'humanisme. Mais je ne peux pas manier la hache et le bâton à chaque fois que je prends la parole. Et je tenais, absolument, à vous parler des deux choses qui me tiennent à cœur : la notion de service public et l'aide à nos amis maliens.
Mais il y aussi une autre chose qui est essentielle ; c'est simplement que l'année 2004 soit pour vous tous :
une année de bonheur
une année de joie
une année de sérénité
et pourquoi pas, une année pleine d'amour.
Car même dans une société ultra-libérale, même dans une mondialisation à l'extrême, l'amour sera toujours une valeur sûre. Ce ne sera jamais côté en bourse, et pourtant, vous le savez tous, c'est ce qui rapporte le plus de dividendes !!!
Bonne année à tous.
Hervé Poher