Permettez-moi, simplement de vous rappeler que vous êtes ici dans un endroit privilégié, un territoire d’exception et un territoire que l’on dit remarquable : en effet, vous êtes dans un Parc, un Parc naturel et vous êtes là pour parler de l’activité de certaines personnes qui font des trous dans la terre et qui fabriquent des montagnes…
Excusez-moi d’avoir été volontairement un peu réducteur et un tant soit peu provocateur. Mais en disant cela, comme cela, je veux simplement mettre tout de suite le doigt sur la seule problématique ou sur les véritables interrogations que pourraient formuler certains grincheux. Peut-on concevoir une activité de carrière dans un Parc ? Ou plutôt, peut-on créer un Parc là où il y a des carrières ?
En organisant cette journée, les responsables du Parc, les responsables de l’UNICEM, les élus locaux et les élus territoriaux vous ont donné une réponse évidente. Et cette réponse est : « Bien sûr que oui ! »
Oui parce que les parcs sont, sans doute, des territoires d’exception mais ce sont des territoires où vivent des hommes, où travaillent des hommes et la richesse humaine fait aussi partie des atouts d’un parc naturel.
Oui parce que les parcs ont, évidemment, une forte image environnementale mais « environnement » ne veut pas dire « exclusion et vitrification ». On a même formalisé cette évidence en inventant la locution « développement durable ».
Oui parce que certaines activités peuvent être de véritables poumons économiques pour toute une région et qu’un poumon, ça doit servir à respirer.
Oui, enfin, c’est possible quand on a en face de soi des gens qui veulent parler, qui veulent comprendre et qui veulent bien s’adapter à l’évolution des esprits ou aux préoccupations sociétales.
Et quand je dis cela, je fais une erreur car, sur le bassin carrier de Marquise, vous ne vous êtes pas adaptés : vous avez anticipé.
En préparant cette journée, j’ai, bien entendu, consulté des documents et le mot que l’on retrouve le plus souvent est le mot « Paysage ». Honnêtement, dans les années 90, on parlait d’environnement, de nature, de biodiversité… Mais on parlait très peu de paysage. Le paysage n’apparaissait que lorsque tout le reste avait été épuisé. Maintenant, ce n’est plus du tout le cas ; la notion d’ambiance visuelle, d’impact visuel, de plaisir visuel, bref la notion de paysage fait partie intégrante de toute démarche d’aménagement du territoire. Et parfois même, elle en est la première raison et l’un des objectifs essentiels… Regardez l’Opération Grand Site.
Et c’est tout à l’honneur des responsables des carrières, des élus locaux, des représentants de l’état, des élus du Parc du boulonnais et de son président de l’époque Dominique Dupilet, d’avoir été innovants dans la démarche. Car le plan de paysage du bassin carrier, signé en novembre 1994, c’était quand même une sacrée avancée.
Moi qui suis un de vos voisins ; moi qui traverse depuis des années, plusieurs fois par semaine votre aire d’intervention ; moi qui roule régulièrement au milieu de votre outil de travail, je dois avouer que j’ai vu l’évolution des paysages. Et en tant que citoyen, je vous en remercie.
Dans une autre partie du département, l’histoire économique nous a laissé d’autres monuments : dans le bassin minier, ce sont les terrils. Certains mauvais coucheurs vous diraient que ce sont des « stigmates » des siècles passés. D’autres plus consensuels, disent : « C’est notre passé ; c’est notre histoire ; ce sont nos montagnes à nous ! ». J’oserais dire, en tant qu’élu départemental en charge de la reprise des terrils, que ces néo-montagnes sont, devenues avec le temps, des richesses environnementales. En plus, l’UNESCO vient de les classer au patrimoine mondial…
Je ne doute pas que les montagnes du Pays de Marquise soient dans la même lignée, pour l’UNESCO je ne sais pas, mais même lignée d’autant qu’en réactualisant le plan paysager, nous allons, vous allez y introduire la notion de biodiversité.
Permettez-moi de terminer en faisant une remarque : j’ai eu l’occasion de discuter avec les maires ou des élus des communes en contact direct avec les carrières. Et à chaque fois, on sent une affection, une tendresse, un attachement des gens et des élus vis-à-vis des carrières… Un peu comme dans le pays minier, quand un maire parle de la fosse et du terril. C’est, je crois, une spécificité de ces régions où une grande activité économique a mobilisé toute une population pendant des décennies, voire des siècles. Je ne dis pas qu’il n’y a pas, de temps en temps, des conflits de voisinage mais les carrières du Pays de Marquise sont, un peu, incrustées dans les gênes des gens. Et tous ces gens vivent dans un parc… Donc les carrières font partie intellectuellement, physiquement et affectivement du Parc.
Merci à tous ceux qui font ces démarches, à tous ceux qui osent ces avancées et à tous ceux qui prouvent, au fil des années que de la concertation nait la richesse… La richesse sous toutes les formes possibles d’ailleurs.
Hervé Poher
Président du Parc Naturel Régional des Caps et Marais d'Opale